TitreII- De la fusion des sociétés


Art. 411 La fusion est la réunion de deux ou plusieurs sociétés pour former une seule société. La fusion peut résulter soit de l'absorption par une ou plusieurs sociétés des autres sociétés, soit de la création d'une société nouvelle à partir de celles-ci. 
La fusion entraîne la dissolution des sociétés fusionnées ou absorbées et la transmission universelle de leurs patrimoines à la société nouvelle ou à la société absorbante.
La fusion s'effectue sans liquidation des sociétés fusionnées ou absorbées. Quand elle est le résultat d'une absorption, elle se fait par augmentation du capital de la société absorbée et ce, conformément aux dispositions du présent code.

Art. 412 La fusion peut réunir soit des sociétés de même forme, soit des sociétés de formes différentes. 
Toutefois, elle doit dans tous les cas aboutir à la constitution d'une société anonyme, d'une société à responsabilité limitée ou d'une société en commandite par actions.
La fusion d'une ou plusieurs sociétés étrangères avec une ou plusieurs sociétés tunisiennes doit aboutir à la constitution d'une société dont la majorité du capital doit être détenu par des personnes physiques ou morales tunisiennes.

Art. 413 La fusion doit être précédée par un projet de fusion qui arrête et précise toutes les conditions et les conséquences de l'opération. 
Le projet de fusion doit contenir : 
- les motifs, buts et conditions de la fusion envisagée ;
- la dénomination, la forme, la nationalité, l'activité et le siège social de chaque société concernée par la fusion ;
- l'état de l'actif et du passif dont la transmission universelle est prévue ;
- l'évaluation financière de l'actif et du passif d'après les documents comptables et une évaluation économique de l'entreprise faite par un Expert-comptable ou un commissaire aux comptes ;
- l'évaluation financière et économique doit être établie à la même date pour toutes les sociétés ;
- la date de la dissolution et celle de la fusion ainsi que la date à partir de laquelle les actions ou les parts sociales nouvelles donneront le droit de participer aux bénéfices sociaux ;
- la détermination de la parité d'échange des droits sociaux, qu'il s'agisse d'actions ou de parts sociales, le montant de la soulte et le cas échéant, la prime de fusion et le dividende avant la fusion ;
- la détermination des droits des associés, des salariés et des dirigeants ;
- la détermination de la méthode retenue pour l'évaluation et les motifs du choix effectué ;
- et dans tous les cas la fusion ne peut être réalisée que si le capital de chaque société concernée est entièrement libéré.

Art. 414 La fusion entre sociétés privées et entreprises publiques ou les sociétés faisant appel public à l'épargne est soumise aux dispositions en vigueur.

Art. 415 La fusion peut être réalisée entre des sociétés qui sont toutes ou l'une d'entre elles en liquidation à condition que la répartition de leurs actifs entre les associés n'ait fait l'objet d'un début d'exécution. 
La fusion peut également avoir lieu entre sociétés qui sont toutes ou l'une d'entre elles en redressement judiciaire sur décision judiciaire.
Dans tous les cas, les sociétés concernées doivent observer les règles de forme édictées pour la société nouvelle qui résulte de la fusion.

Art. 416 Si l'une des sociétés qui fusionne est une société faisant appel public à l'épargne, l'autorisation du Conseil du Marché Financier est nécessaire.

Art. 417 Le commissaire aux comptes ou l'Expert-comptable établit sous sa responsabilité un rapport écrit sur les modalités de la fusion après avoir pris connaissance des documents nécessaires que la société concernée par la fusion ou l'absorption doit lui communiquer. 
Il vérifie si la parité d'échange est équitable et que la valeur attribuée au patrimoine objet de la transmission est réelle. Il précise la ou les méthodes suivies pour la détermination du rapport d'échange et il indique si elles sont adéquates et il doit déterminer et préciser les difficultés particulières d'évaluation. Dans cette situation, le commissaire aux comptes agit en qualité de commissaire aux apports.
Le commissaire aux comptes accomplit sa mission conformément aux dispositions des articles 259 à 273 du présent code.
Art. 418 La société concernée par la fusion doit mettre à la disposition de ses associés deux mois avant la réunion de l'assemblée générale extraordinaire : 
- le projet de fusion ou d'absorption ;
- le rapport du commissaire aux apports ;
- le rapport du commissaire au comptes si la société en possède un ;
- le rapport de gestion des trois exercices;
- les rapports des conseils d'administration ou des assemblées des associés pour les sociétés autres que la société anonyme et de chacune des sociétés concernées par la fusion;
- les états financiers nécessaires à l'information des associés ;
- le projet d'acte constitutif de la nouvelle société.
S'il s'agit d'une absorption, la société doit mettre à leur disposition le texte intégral des modifications à apporter aux statuts de la société absorbante ; 
- l'acte constitutif des sociétés participant à la fusion ;
- le contrat de fusion ou d'absorption ;
- nom, prénom et nationalité des administrateurs ou gérants des sociétés qui participent à la fusion. Il en est de même pour la société nouvelle ou absorbante.
L'assemblée générale extraordinaire de la société absorbante ou nouvellement constituée statue sur l'approbation des apports en nature des sociétés absorbées selon les conditions exigées par le présent code et propres à chaque forme de société. 

Art. 419 Tout créancier des sociétés qui fusionnent peut s'opposer à la fusion dans un délai de trente jours à partir de la publication du projet de fusion approuvé conformément à l'article 16 du présent code. 
Les porteurs de certificats d'investissement ou de titres participatifs ainsi que les obligataires disposent également du droit d'opposition à condition que la fusion ne soit pas approuvée par l'assemblée spéciale des porteurs des certificats d'investissement ou par celle des obligataires ou par celle des titulaires des titres participatifs. 
En cas d'opposition, le Président de la chambre commerciale ou le cas échéant le Président du tribunal de première instance compétent décide, soit le paiement immédiat des créanciers, soit il ordonne la constitution de garanties nécessaires, soit enfin il rejette leur opposition lorsqu'elle se révèle juridiquement infondée. 

Art. 420 Les créanciers de chacune des sociétés qui participent à la fusion conservent leurs droits sur le patrimoine de leur société débitrice. 
A défaut de remboursement des créances ou de constitution de sûretés ordonnées par le président du tribunal de première instance ou le président de la chambre commerciale, la fusion est inopposable aux créanciers. 
La simple opposition du créancier à la fusion n'a pas pour effet d'empêcher l'opération de fusion ni de limiter ses effets. 
Le rejet de l'opposition par le président de la chambre commerciale ou par le président du tribunal de première instance compétent ne met pas obstacle à l'exécution des conventions permettant au créancier d'exiger immédiatement le remboursement de sa créance. 
Lorsque la créance est garantie par une sûreté celle-ci est transférée avec la créance principale lorsqu'elle n'est pas remboursée. 
A défaut de paiement des créanciers, leurs créances sont transférées avec les sûretés à la société nouvelle ou absorbante. Les créanciers bénéficient dans tous les cas d'une préférence vis-à-vis des créanciers dont la créance est née postérieurement à la fusion que cette créance soit chirographaire ou privilégiée. 

Art. 421 Lorsque les créanciers acceptent les sûretés qui leurs sont proposées par le président de la chambre commerciale ou le président du tribunal de première instance compétent. Les sûretés font l'objet d'une publicité au journal officiel de la République Tunisienne et dans deux quotidiens dont l'un est en langue arabe. 
Lorsqu'une créance se trouve garantie par un cautionnement, la caution doit manifester expressément sa volonté de transférer ou de ne pas transférer son cautionnement au profit de la société à constituer par l'effet de la fusion. 
Le contrat de bail est directement transféré au profit de la société résultant de la fusion. Les contrats de travail continuent légalement à produire leurs effets à l'égard de la société. 

Art. 422 Les contrats de travail des salariés et cadres de chacune des sociétés qui participent à la fusion sont de plein droit transmis à la société nouvellement créée ou absorbante. 

Art. 423 La publicité de la fusion est dispensée de la publicité propre au fonds de commerce. La publicité doit être accomplie conformément à l'article 16 du présent code. 
Lorsqu'il s'agit d'une société nouvelle issue de la fusion, elle doit faire l'objet d'une immatriculation au registre du commerce conformément à la loi relative au registre du commerce. 
En cas de création d'un nouvelle société, la fusion prend effet à compter de la date d'immatriculation au registre du commerce, et en cas d'absorption, elle prend effet à compter de la date de la dernière assemblée générale extraordinaire ayant décidé l'opération de fusion, sauf si le contrat d'absorption prévoit une autre date. 
La fusion doit faire l'objet d'une publicité conformément à l'article 16 du présent code. 

Art. 424 Lorsque la société absorbante est détentrice de la totalité des actions ou parts sociales de la société absorbée, il n'est pas nécessaire que le projet de fusion comprenne toutes les énonciations figurant à l'article 413 du présent code. 
Dans ce cas, il y a dispense d'établir les rapports de gestion, du commissaire aux comptes et du commissaire aux apports. 
Si la société absorbée détient une participation dans la société absorbante, la première n'a pas droit de prendre part au vote dans l'assemblée générale extraordinaire appelée à statuer sur la fusion. 

Art. 425 L'action en nullité de la fusion peut être exercée par toute personne physique ou morale intéressée et par tous les ministres concernés par les sociétés commerciales. L'action se prescrit par trois ans à partir de la date d'immatriculation au registre du commerce de la société nouvellement créée ou à partir de la date à laquelle l'absorption est devenue définitive et dans tous les cas à partir de la publication de la fusion conformément à l'article 16 du présent code. 
La nullité de la fusion ne peut être prononcée que pour les causes suivantes : 
- nullité de la délibération de l'assemblée qui a décidé l'opération de fusion ;
- défaut de publicité ;
- non-respect des dispositions du présent code et des dispositions législatives ou réglementaires spéciales ;
Le tribunal saisi peut ordonner même d'office la régularisation. A cet effet le tribunal peut accorder un délai de deux mois pour la régularisation s'il l'estime possible. A l'expiration du délai et à défaut de régularisation, le juge doit prononcer la nullité. 
Dans ce dernier cas, la décision du tribunal devenue définitive doit faire l'objet d'une publicité au Journal officiel de la République Tunisienne et dans deux quotidiens dont l'un est en langue arabe conformément aux dispositions de l'article 16 du présent code. 
La décision prononçant la nullité de la fusion est sans effet sur les contrats et autres obligations créés par la société nouvellement créée ou la société absorbée de la date de sa création jusqu'au jugement prononçant la nullité. Les sociétés fusionnées et leurs dirigeants demeurent tenus solidairement des dettes et engagements y découlant.
En cas de prononcé de la nullité de la fusion, les dommages encourus par les tiers, les associés ou les créanciers sont supportés solidairement par les responsables de la nullité.

Art. 426 Lorsque la fusion aboutit à une entente illicite ou à une concentration horizontale ou verticale ou à une position dominante, elle peut être annulée conformément aux dispositions de la loi relative à la concurrence et aux prix. 

Art. 427 En cas d'annulation de la fusion, toutes les sociétés qui ont participé à l'opération sont solidairement responsables avec leurs dirigeants de l'exécution des obligations leur incombant et des dommages causés à toute personne physique ou morale.